samedi 17 novembre 2012

Vae Victis

En surfouillant mollement sur les sites modernes et officiels du web moto, je suis tombé par hazard sur ça :
Vous pouvez vérifier : sur http://www.yamaha-community.fr/gk-design-designer-de-yamaha, vous trouverez cette affirmation extraodinaire " Genichi Kawakami, PDG de Nippon Gakki (ndlr : yamaha) décidé à diversifier les activités de l’entreprise en s’engageant dans l’industrie motocycliste, sollicite GK Design pour la première moto Yamaha, appeléeYA-1."
Hallucinant ! Je veux bien que certains milieux puissent considérer le motard moyen comme une sorte de bête sous culturée, à la limite de l'anaphabétisme, genre amibe tout juste capable d'anonner péniblement "vroum, vroum" en tournant les pages pleines de photos de pitoyables magazines spécialisés, mais qu'un élément phare du monde moto puisse s'imaginer propager à fins d'autogloriole un révisionisme aussi inepte (pléonasme, je le concède), j'en suis sur le cul !!!!!
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Pourtant nombreux sont ceux qui savent que ce qu'on nous présente comme un exemple de créativité n'est autre que la copie servile de la première vraie moto deux temps efficace; l'allemande DKW RT 125 de 1939 :

Cette moto a plusieurs caractéristiques extraordinaires. Grace à l'utilisation de transferts à balayage selon le brevet du grand malin Adolph Schnürle, son moteur est le premier deux temps qui expulse correctement les gaz brulés et ne refoule plus les gaz frais, ou si peu. Son moteur deux temps désormais efficace, enfin au niveau de performance du quatre temps, est aussi et surtout beaucoup simple et moins couteux à produire en série. L'ensemble moteur et partie cycle constitue une moto légère, facile à mettre en oeuvre et à entretenir, notamment dans des conditions dégradées ou rustiques. La DKW sera d'ailleurs une moto militaire très prisée durant la seconde guerre mondiale. En fait c'est le prototype idéal du véhicule dont ont besoin (et que peuvent se payer) les populations au lendemain du conflit.
Coup de bol absolu ; les allemands ont perdu la guerre, leurs industriels ne sont pas en situation de faire les malins ! Les plans de la DKW sont donc sans autre forme de procès, "concédés" aux américains et aux anglais au titre de réparation pour dommages de guerre. Notre pépite  sera donc très officiellement fabriquée pendant des années, à des centaines de milliers d'exemplaires, avec des cylindrées diverses, par Harley Davidson qui la commercialise sous le nom de Hummer et par BSA qui en tirera sa célèbre et inoxydable Bantam. Par ailleurs l'usine DKW étant géographiquement en zone russe, celle-ci est entièrement démontée (plans, machines, matières et nombre d'ouvriers, tout ... jusqu'aux fénètres) pour être au motif de dédommagement de guerre remontée en URSS. On aura donc bientôt sur les routes soviétiques de fringantes Moskva, Minsk. D'autres clones de l'allemande, sous les marques Sokol et SHL , seront réalisés sous pilotage soviétique en Pologne. Tout ceci bien sur, à l'Est comme à l'Ouest, sans verser un cent de royalties à DKW qui  vivote pourtant toujours. Ainsi la DKW rentre dans l'histoire industrielle comme un engin, si ce n'est l'engin le plus copié de tous les temps.
Mais ce n'est pas tout ! Jusque là ce n'est pas très glorieux mais tout ça se fait sous le couvercle vaguement légitime (du moins à l'époque) de la réparation pour dommages de guerre. De nos jours on dirait un transfert de technologie décidé et approuvé par les gouvernements concernés.
Là où l'histoire se sale un peu, c'et que notre petite DKW est un engin tellement pile poil dans le besoin de l'époque (en gros les 10 ans qui suivent la fin de la guerre), que d'autres constructeurs moins légitimes vont emboiter le pas aux "officiels" et venir eux aussi fabriquer un clone du truc qui marche si bien. C'est ainsi que par exemple, la première Ossa ressemble à s'y méprendre à notre modèle, que la première Yamaha en est un clone parfait, que Suzuki y est allé de sa copie. 
Ceci sans aller jusqu'à évoquer  l'influence pregnante du moteur DKW sur les deux temps Ariel, Villiers, Maserati et  de certains constructeurs français. Bien évidemment, toujours pas l'ombre d'une royaltie pour DKW.
Hors il ne faut pas forcémment être très féru d'histoire pour se douter que pour un constructeur de l'Espagne franquiste ou des industriels japonais, l'argument du "dommage de guerre" est un peu compliqué à développer pour légitimer une exonération de droits. Les fées qui se penchent donc sur la première Yamaha sont en réalité un peu faisandées. Certes il ya prescription, mais je pense quand même qu'il aurait été de bon ton pour Yamaha d'avoir sur ses sites quasi officels, un triomphalisme un peu plus tempéré quant au processus de "création" de la première Dragon Rouge. Quant à prétendre, en plus, que cette "création" est un exemple de design original, "d'esprit libre", alors là c'est soit n'y rien connaitre, soit confondre gravement photocopie et conception, soit carrèment nous prendre pour des cons, le cumul n'étant pas à mon avis,  inenvisageable.
Enfin, c'est mon avis et je vous laisse seul juge.

1 commentaire:

  1. Bravo pour cet article "marketing-guement" très incorect! Oui, les ingénieurs allemands ont inventé beaucoup de choses! Quant au fair play industriel et commercial : profit et loyauté sont la plupart du temps en totale oposition.
    La force des génies du marketing et des créateurs est de savoir nous convaincre de leurs "convictions" et de leurs (ré)inventions...
    Cordialement.
    webmaster@techmili.com

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