jeudi 13 décembre 2012

Justice

Au vu de mes posts consacrés aux communications joyeuses de la firme Yamaha, il est possible que certains aient pu penser que je taxais exagèrement Yamaha d'une certaine mauvaise foi. Même si c'est un peu le fond de ma pensée, je me dois de reconnaitre que si il est un sujet où Yamaha s'avère d'une parfaite honnèteté intellectuelle, c'est dans la reconnaissance de son véritable rôle dans LA révolution de la suspension arrière ; le développement et la généralisation du "Monoshock".
Cette révolution tellement marquante qu'elle permet depuis de classer universellement les motos en deux périodes ; les "anciennes" à bi amortisseur et les "modernes" à mono amortisseur, Yamaha confesse sans ambage que ce n'est en rien "son" idée, qu'elle s'est juste contentée d'être la première à l'appliquer sérieusement.
Pour les plus jeunes (le Monoshock Yam date de 73 et n'évoluera vers les suspensions à flexibilité variable "d'aujourd'hui" qu'une dizaine d'années plus tard), la révolution Yam se présente comme ça :
C'est un hit instantané; champion du monde de motocross 250 dès sa sortie !
Même si de nos jours Yamaha admet volontiers que l'idée originale ne lui revient pas, à l'époque la communication était nettement plus triomphaliste ! L'une comme l'autre des attitudes s'expliquent par l'histoire étonnante d'un concept qui a bien failli échapper à Yamaha.
La véritable première moto de cross à monoshock est une très tchèque 380 CZ d'usine de 1969 génialement adaptée par Lucien Tilkiens, un ingénieur belge ayant quelques moyens industriels à sa disposition : 
Voyez comme la paternité est évidente ! (Pour le cocorico ; l'amortisseur est un Citroen à gaz très adapté).
Les vicissitudes de la guerre froide font que CZ  n'a pas vraiment les moyens de s'intéresser à cette innovation dont la pertinence n'a cependant pas échappé à la dream team belge des pilotes officiels Suzuki, le top du top de l'époque et peut être de tous les temps. Mieux Roger de Coster va essayer la moto et en réaliser immédiatement tout le potentiel. Il a tourné plus vite avec que sur sa Suz d'usine pourtant bien plus lègère que la vieille CZ ! Encore plus fort, De Coster va en 1971 obtenir de Suzuki la construction d'un démonstrateur sur la base de sa moto d'usine :
Pourtant de façon incroyable malgré les demandes et pressions de ses pilotes, Suzuki va décliner l'achat du brevet que l'industrieux belge a judicieusement déposé !!!
Imaginez un peu que vous soyez le chef du bureau d'études de Suzuki et que le meilleur pilote du monde vienne vous voir avec un truc qui lui fait vraiment gagner plusieurs secondes au tour, qu'il vous a amené le démonstrateur dans vos locaux pour l'étudier sous toutes les coutures, qu'est-ce que vous faites ? Et bien chez Suzuki, ils ont dit ... Non !
Ceci au motif imparable que Tilkiens n'a pas pu leur démontrer mathématiquement la supériorité technique de son machin par rapport à la suspension Suz ! Réaction étonnante ? En fait pas tant que ça quand on sait qu'il y a une grande différence de pensée entre celui qui conçoit une objet et celui qui l'utilise. Rajoutez à ça l'autisme inconscient des ingénieurs de haut niveau (l'industrie moto japonaise recrute dans le top des écoles et au japon comme ailleurs, le diplôme conditionne une carrière où c'est parce qu'on a été le meilleur à l'école qu'on est chef  et qu'on le reste, chef, donc le meilleur), surtout face à un machin bricolé par un amateur de l'autre bout du monde ! ... un belge !! ... un gus qui fabrique des machines pour pressing !!!!. Pour la petite histoire, à l'époque, ni son concepteur, ni les ing. de Suz n'ont techniquement réalisé le lien entre l'accroissement du débattement et celui de la performance !!!
Bref, ça s'est pas fait chez suzuki, au grand plaisir de Yamaha qui avec plus de pragmatisme ou moins d'amour propre, menait en parallèle des négos avec Tilkiens, même si celles-ci étaient subordonnées à la décision de Suzuki à qui Tilkiens concédait la primeur. Comme quoi, Suzuki, n'a pas été seulement un peu con mais n'a pas été aussi bien stratège, car même si ils n'y croyaient pas, il leur suffisait d'acheter le brevet, sans doute pas bien cher, pour éviter, on ne sait jamais, qu'un autre le fasse marcher aussi bien que ce qu'en disaient leurs pilotes .

Tout ça à fait le succès de Yamaha et accessoirement ses choux gras car dès 75 et pour plusieurs années, les Yam monoshock vont écraser les ventes des motos de tout terrain. 

Saluons donc sur ce coup, l'honneteté de Yamaha  qui  reconnait bien volontiers aujourd'hui que l'idée de départ ne sortait pas de son bureau d'études.

Pour encore plus de sel sur une histoire qui n'en manque pas, il parait que dans la semaine qui suivit l'achat par Yam du brevet Tilkiens, les émissaires de Honda se pointaient en belgique, le carnet de chèque à la main.

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