mardi 25 juin 2013

Think différent 3

S'il est un domaine où la conception "uniforme" règne en maître depuis des millénaires, c'est bien l'architecture navale. Pas besoin d'être un observateur très affûté pour se rendre compte que des bateaux de commerce des cités côtières du levant deux mille ans avant JC, aux supertankers ou aux F1 des mers de la compétition hauturière, la forme générale oblongue de la coque des bateaux de tout poil apparaît comme une donnée d'entrée de l'architecture navale. 

Gloire soit donc rendue à un des très rares aventurier de "l'autre chose" en ce domaine ; l'architecte naval russe Andrey Alexandrovitch Popov, l'immortel quoique peu connu, concepteur du cuirassé non seulement circulaire mais aussi plat.
Sous vos yeux incrédules : une maquette du fameux Novogorod, invraisemblable bâtiment de combat tout rond, tout plat, révolutionnaire jusque dans sa motorisation avec ses six moteurs et ses six grandes hélices (bonjour la loi d'harmonisation de la propulsion !!!!), lancé en 1874.
Cette photo du chantier d'assemblage en 1873 donne une idée de la taille très respectable du machin et  montre bien la conception "écrasée" dans laquelle comme ce sera le cas plus tard pour les sous marins,  c'est la hauteur de l'appareil propulsif qui détermine la hauteur de la coque. Pour la petite histoire, notre cher Popov ne s'est pas montré original que pour la conception ! La construction de cette chose, surnommée "Popovka" par le tsar lui même,  fut aussi un tour de force. La réalisation se fit par blocs dans un chantier de St Petersbourg, les dits blocs furent ensuite acheminés par voie ferrée jusqu'au port d'attache ; le grand arsenal de la mer noire ; Sébastopol, 1500 km plus loin !
L'idée de base de Popov était d'une part qu'une forme circulaire permettait de supporter une artillerie d'une masse (donc d'un calibre) supérieure à ce qu'autorisait la forme oblongue traditionnelle et que d'autre part, un faible tirant d'eau autoriserait une mise en oeuvre de l'artillerie le plus près possible de la cote. Avec cet outil il serait donc possible d'atteindre des cibles terrestres bien plus éloignées que celles envisageables par un bâtiment conventionnel. En clair, la cible c'est l'armée de terre turque, pas un autre bâtiment de combat, ce qui tombe plutôt bien puisque les turcs n'en ont pas vraiment de sérieux sur la mer noire.
L'idée de départ était donc loin d'être idiote ! Hélas sa concrétisation se révélera un rien déconcertante pour ne pas dire décevante. Le feu des énormes pièces (presque du 280 mm) va à la fois entraîner un important mouvement de rotation du bateau sur lui même par simple effet centrifuge mais aussi, par l'absorption du considérable recul, le faire dangereusement et longuement osciller d'un "bord" à l'autre, rendant le bâtiment inmanœuvrable pour un bon moment  et la conduite de tir inopérante pendant aussi longtemps !!! Par ailleurs, hors service de l'artillerie, finalement peu fréquent, le moindre clapot (hélas d'une occurrence beaucoup plus commune) avait déjà pour effet de rendre le machin totalement instable, alors pensez à ce devait donner une mer creusée. Même avec un équipage composé de marins confirmés, le taux d'indisponibilité pour mal de mer sur le Novgorod était terrible !!! 
Bref que du réjouissant ! Et que croyez vous qu'il advint de ce bel exemple de pensée innovante bien qu'un rien foireuse ? Eh bien, les russes en ont construit et mis en service un deuxième ... plus gros, appelé peut être avec humour, du nom de son concepteur : "Amiral Popov". Pour corriger les défauts, une douzaine d'importantes dérives furent installées sur la coque pour lui donner un "sens" sinon une stabilité et pour tirer, il fallait d'abord l'ancrer, ce qui rendait son utilisation combattante impossible dès que le fond dépassait 50 mètres. Pas rancunier, le tsar ne l'a pas envoyé méditer en Sibérie mais a même passé commande à ce cher Popov d'un yacht royal sur le même principe de la soucoupe flottante :
C'était risqué et courageux pour ce cher Popov de persévérer dans son concept car le mal de mer royal pouvait avoir une influence néfaste sur sa carrière voire sur sa santé !  Coup de bol ou signe du destin, le Tsar fut assassiné en 1881 juste au moment de la mise en service et le yacht ne fut jamais utilisé.





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